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Combattre le gouvernement Sarkozy-Fillon
Le Grand soir - Vincent Présumey - Mardi 22 mai 2007
jeudi 24 mai 2007

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Pour avancer dans cette voie, le gouvernement n’a pas d’autre moyen que de tenter d’exciter la base sociale du sarkozysme, petite bourgeoisie et secteurs atomisés et désorientés, minoritaires mais importants, de la classe ouvrière, intégrant la base sociale du Front national comme son avant-garde, pour isoler les premiers secteurs visés -fonctionnaires d’une part, soumis en outre à des réductions massives de postes qui vont entraîner rapidement une désorganisation aggravée des services dont on tentera de les rendre responsables, sans-papiers, familles expulsables et couches paupérisées et surexploitées souvent d’origine immigrée, d’autre part.

Combattre le gouvernement Sarkozy-Fillon.

Le gouvernement Sarkozy-Fillon est, comme on le savait, un gouvernement de combat contre la classe ouvrière et les libertés publiques. C’est pour cela un gouvernement bonapartiste, cherchant à restaurer une relation directe entre "le peuple" et "le président" pour parvenir à ses fins. L’essentiel pour lui reste à faire, aussi le président Sarkozy doit-il se mettre systématiquement en première ligne, dans une sorte de retour caricatural et bégayant aux sources de la V° République, et avec le risque politique que cela comporte à terme.

Fillon, Juppé, ou la "rupture".

Sa structure est fonction de son programme : la liquidation du ministère de la Fonction publique dans celui du Budget, par exemple, vaut tous les programmes.

Fillon, Juppé, sont les noms clefs de ce gouvernement : nous avons là le contenu réel de la "rupture". On peut, certes, ironiser sur cette prétendue "rupture" avec le personnel politique chiraquien, puisqu’il n’y a pas de rupture sur ce plan, mais ce serait passer à côté de l’essentiel.

Fillon a donné son nom à plusieurs lois clefs qui ont amorcé la modification des rapports sociaux en France dans le sens de la liquidation des droits sociaux conquis au XX° siècle : loi contre les retraites, loi contre l’école, loi contre les conventions collectives de branche au profit des accords d’entreprises, nombreuses sont les "lois Fillon" dont l’abrogation est au programme des défenseurs de la classe ouvrière, un programme qui, on ne s’en étonnera pas, se construit et se construira comme le contraire de celui du gouvernement Sarkozy-Fillon.

Juppé quant à lui a donné son nom au "plan Juppé" qui avait produit la première de ces poussées vers la grève générale qui ont marqué l’histoire récente de notre pays, en 1995. Il en était resté "droit dans ses bottes", mais sonné et battu politiquement, sauf que la "gauche plurielle", victorieuse des élections législatives de 1997 suite à ces évènements, avait maintenu le plan Juppé, permettant à Fillon de le parachever ultérieurement, en 2003

Fillon et Juppé sont donc des noms clefs, des noms qui signifient la réaction contre les conquêtes sociales majeures du siècle dernier. La "rupture" réside ici dans la continuité réaffirmée du choix de ces noms : ils veulent continuer la casse, battre les salariés, achever leur oeuvre.

Leur programme.

La clef de voûte du programme de ce gouvernement est le nouveau "contrat unique" de travail : il s’agit de modifier brutalement les rapports sociaux, les relations de travail, en faveur des patrons et contre leurs salariés (les mesures annoncées pour déréguler encore plus les heures supplémentaires, au delà du brouillard démagogique qui les entoure, vont dans le même sens). Le contrat unique de travail vise à faire rentrer la précarité et l’acceptation de la flexibilité totale des horaires dans les reins des travailleurs. Sa mise en oeuvre ne se présente toutefois pas de manière si simple : mixte du CNE (Contrat Nouvelle Embauche) laissé en héritage par De Villepin, et de "sécurité sociale professionnelle" à la Thibault et à la Royal, ses contours sont encore mal définis.

Pour qu’il y ait modification profonde, réelle, des relations de travail, il faut s’attaquer au droit de grève. Il s’agit de mettre fin aux mouvements de la classe ouvrière et de la jeunesse de France qui, cherchant à se centraliser contre le pouvoir, ont régulièrement effrayé nos classes dirigeantes à des intervalles de plus en plus rapprochés ces dernières années (1995, 2003, 2006) : c’est cela, le spectre de "mai 68" dont Sarkozy veut débarasser les siens (et non pas les youpies et les golden boys prétenduement "soixante-huitards" dont il vient de nommer un specimen notoire aux Affaires étrangères).

L’affaire n’est pas simple, mais elle passe centralement par l’attaque contre le droit de grève et la révision des contrats de travail. Le contrat serait de plus en plus individuel (y compris sous l’alibi de la "sécurisation du parcours professionnel") mais le droit de grève devrait l’être de moins en moins : au centre des projets gouvernementaux, dans les cartons, il y a ce projet d’instaurer un vote secret sous contrôle d’huissier dans les entreprises au bout d’un certain nombre de jours de grève (huit, dit-on). L’inspiration est thatchérienne : dés son arrivée au pouvoir Thatcher avait légigéré ainsi contre le droit de grève, mais sa loi n’était rentrée dans la vie que 5 ans aprés, suite à la défaite des mineurs aprés 2 ans de grève "illégale". Les projets menaçant les cheminots et les traminots ainsi que les enseignants sont des pas sur la voie qui vise à corseter les grèves dans les entreprises pour tenter d’interdire les assemblées générales, les comités de grèves élus comme récemment à Citroën Aulnay, les piquets de grèves indispensables pour faire respecter la démocratie de la grève, et réduire l’indépendance, voire l’existence, des sections syndicales.

Pour avancer dans cette voie, le gouvernement n’a pas d’autre moyen que de tenter d’exciter la base sociale du sarkozysme, petite bourgeoisie et secteurs atomisés et désorientés, minoritaires mais importants, de la classe ouvrière, intégrant la base sociale du Front national comme son avant-garde, pour isoler les premiers secteurs visés -fonctionnaires d’une part, soumis en outre à des réductions massives de postes qui vont entraîner rapidement une désorganisation aggravée des services dont on tentera de les rendre responsables, sans-papiers, familles expulsables et couches paupérisées et surexploitées souvent d’origine immigrée, d’autre part. Cette méthode politique souffre cependant de deux faiblesses notables.

L’une est qu’elle ne peut à terme que décevoir cette base sociale. Ceux qui s’imaginent que les trains vont arriver à l’heure vont déchanter, car d’ores et déjà les retards de trains ne sont pas dûs aux grèves mais au démantellement du service public que les grèves ralentissent. Seulement, on ne peut attendre cette déception là : car son arrivée signifierait que Sarkozy serait parvenu à ses fins et elle pourrait entraîner ces couches sociales vers des "solutions" plus réactionnaires et menaçantes encore.

L’autre est que dans l’immédiat, le gouvernement sait qu’il n’est pas si fort, qu’il lui reste à transformer l’essai, à faire passer son programme dans la vie, et qu’il doit semer la confusion en s’appuyant sur la politique des dirigeants de la gauche et des centrales syndicales qui ont accepté de l’investir en allant tirer leur révérence au nouveau président avant même la passassion des pouvoirs de Chirac à Sarkozy.

Au mépris de ce que tout le monde voit dans le pays et de la polarisation sociale -Clichy contre Neuilly- contenue dans le vote du 6 mai, Sarkozy et Fillon doivent tenir le discours du "rassemblement" selon lequel il n’y a pas "deux France", mais une seule, la leur, évidemment. Cette prudence bonapartiste de leur part comporte même le risque de ne pas permettre aussi facilement qu’on le dit le transfert des voix du type FN portées sur Sarkozy les 22 avril et 6 mai sur les notables UMP les 10 et 17 juin. Ils prennent donc un risque calculé. Pourquoi peuvent-ils se le permettre ?

Pas de refondation socialiste sans rupture avec le défaitisme des organisateurs de la défaite !

La réponse est éclatante : c’est l’état de la gauche, c’est-à-dire la politique de ses dirigeants, qui aprés avoir permis l’élection de Sarkozy permet maintenant à son gouvernement de commencer avec prudence mais détermination à aller de l’avant vers l’application de son programme.

La synthèse claire et nette de la politique des dirigeants, de tous les dirigeants, du PS, et aussi du PCF et de l’extrême-gauche, est leur position concernant les élections législatives. Tous semblent avoir intériorisé comme une évidence qu’aprés le scrutin du 6 mai, l’UMP, avec ou sans les ersatz "centristes", devrait remporter ces élections. Alors qu’en réalité le seule raison pour laquelle l’UMP peut aborder ces élections avec confiance c’est justement cet état-d’esprit et cette politique des dirigeants à gauche !

Ces bonnes âmes qui ont donné des leçons de prétendue démocratie aux secteurs de la jeunesse qui se sont immédiatement insurgés contre l’élection de Sarkozy, les appelant à "respecter le verdict des urnes", ne respectent pourtant pas celui-ci : par avance, elles acceptent la loi de la V° République, concrétisée dans le calendrier mis en place par L.Jospin qui fait se suivre présidentielles et législatives, selon laquelle l’élection des députés ne doit pas consister à voter pour ou contre un programme et pour des choix politiques mais à nominer les courtisans de sa Majesté.

Quelques remarques sur l’ "ouverture" et les Kouchner-Allègre-Besson-Hirsch ...

Notons en passant que la position en apparence trés "radicale" selon laquelle les élections n’ont plus d’importance, selon laquelle battre Sarkozy aux législatives ne pourrait déboucher que sur une cohabitation et donc de nouvelles trahisons et que cela n’en vaut vraiment pas la peine, rejoint sur le fond le défaitisme des Hollande, des Strauss-Kahn comme des Buffet, etc. Car en réalité, Sarkozy n’a évidemment pas été élu pour cohabiter. Si sa défaite aux législatives doit être un impensé, c’est parce qu’elle est impensable pour la bourgeoisie. Nul doute, évidemment, que les élus PS qui seraient dans ce cas là majoritaires plaideraient la cohabitation, mais la réalité, ce serait que les cartes seraient rebattues, que la crise de la V° République, que la "rupture" de Sarkozy vise à conjurer, entrerait dans une nouvelle phase, qu’un puissant appel d’air serait donné à la lutte sociale directe pour défaire Sarkozy.

Notons en passant aussi que si la nomination d’un Kouchner aux Affaires étrangères et la parade ostentatoire de ministres "socialistes" "d’ouverture" dans le gouvernement Sarkozy a un tel retentissement, c’est uniquement en raison du défaitisme et de la décomposition des cercles dirigeants du PS lui-même, ainsi que des formations censées représenter sa "gauche". En elle-même le flirt d’un Allègre ou la promotion d’un Kouchner ne concernent pas les salariés conscients qui savent, comme les enseignants à propos d’Allègre par exemple, que ces gens là ne trahissent personne car ils n’ont jamais varié, ont toujours été des aventuriers politiques pour le compte du capital. Kouchner, ancien permanent des Jeunesses du PCF dans les années soixante, est mélé à tous les coups fourrés les plus sanglants de l’impérialisme français depuis sa mission au Biafra en 1969 jusqu’au blanchissage de Total pratiquant le travail forcé en Birmanie, en passant par la préparation de la guerre en Somalie sous le nom " d’ "opération sac de riz" : c’est un cynique aventurier dont l’existence politique lui a été procurée par la direction du PS parce que celle-ci l’a bien voulue, et que Sarkozy a choisi comme symbole de son atlantisme, pour faire son caniche comme, à une autre échelle, Blair le fut envers Bush. Ces palinodies n’auraient d’intérêt que par le spectacle de décadence morale et sociale qu’elles offrent, si elles ne reflétaient aussi la décomposition à laquelle touchent les sommets du PS, qui reste pourtant, contradictoirement, presque le seul instrument réel électoralement contre Sarkozy dans les échéances les plus immédiates.

Notons enfin, toujours en passant et à propos de cette prétendue "ouverture", que la nommination de l’héritier de l’abbé Pierre, Martin Hirsch, en l’associant à Christine Boutin en charge du Logement, réalise la réunification des fractions catholiques "progressistes" et "conservateurs" dans un même gouvernement ; ou encore que l’affectation de M.Besson, alias Tullius Detritus, à la "prospective" ne manque pas de sel. Mais ce sont là des détails.

On n’esquivera pas les élections législatives.

Pour en revenir à l’essentiel, nous disons donc nettement que le chemin qui mène à l’affrontement avec Sarkozy pour le défaire ne saurait esquiver les élections législatives. Le discours selon lequel il faut d’abord "reconstruire", "refonder", "aller au bout du travail de deuil", avant de contre-attaquer séparer la théorie de la réalité : aucune refondation ne naîtra du repli en dehors de la lutte réelle qui de toute façon nous est imposée.

Inévitablement, dans les trois semaines qui viennent, les couches profondes de ce pays qui n’ont pas digéré son élection, malgré le brouillard ininterrompu de confusion et de gesticulations dans les sommets du PS et de la gauche, vont à nouveau chercher à se grouper sur le terrain électoral. Une victoire sur Sarkozy sur ce terrain est difficile, mais uniquement à cause des dirigeants. Ce ne serait pas leur victoire à eux, mais la nôtre.

Au premier tour, vote massif pour les candidats présentés, en dehors de toute alliance centriste, par le PS, le PCF, la LCR, LO ...

Au second tour, vote massif pour celui d’entre eux arrivé en tête au premier tour.

Organisons-nous pour défaire Sarkozy !

 

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